Baignades en eaux troubles, une saison en Pays d’Iroise – Episode 6

Résumé des épisodes précédents : certaines plages d’Iroise sont fermées préventivement avant chaque épisode de pluies importantes, dans la plus grande discrétion, et en raison d’importantes pollutions bactériennes. Celles-ci sont désormais installées, massives et récurrentes. Les raisons en sont assez facilement identifiables si on regarde du côté des élevages intensifs et des épandages qui en découlent, mais nos élus majoritaires ont un peu de mal à l’admettre. Et se demandent surtout comment éviter un mauvais classement de nos eaux de baignade sans devoir s’attaquer aux causes réelles…

Épisode 6 : La réglementation est bien faite… mais les tricheurs sont rusés !

 On l’a vu, la règle est claire en ce qui concerne la surveillance et le classement, mais on peut la contourner.

Voyons d’abord qui sont les acteurs, et quel est leur rôle dans la pièce.

S’agissant d’une directive européenne, seul le résultat est imposé : c’est à chaque État de s’organiser pour l’atteindre.

En France, la répartition des responsabilités est la suivante :

  • l’État, en l’occurrence les Agences Régionales de Santé (ARS), placées sous la tutelle du ministère chargé de la santé (mais pas de l’environnement), est chargé de programmer et faire réaliser les prélèvements et les analyses, et c’est lui qui calcule les classements  selon les modalités définies par la directive ;
  • les communes, ou les intercommunalités si elles ont pris cette compétence, sont responsables de la police et de la gestion : recherche des pollutions, mesures de gestion pour les réduire ou les supprimer, « autosurveillance » au jour le jour pour détecter des anomalies, alerte et interdiction de baignade s’il y a un risque de contamination des baigneurs….

⇨ En Bretagne, c’est donc l’ARS Bretagne qui a la charge d’organiser la surveillance et le classement. Et c’est aussi à l’ARS Bretagne que se trouve le magicien qui a réussi à faire disparaître les pollutions des classements…

On voit que toute la partie qui nous intéresse en priorité, à savoir la surveillance et le classement, est confiée à l’ARS. 

C’est donc vers l’ARS que se sont tournées les associations de protection de l’environnement lorsqu’elles ont cherché à comprendre comment, entre 2017 et 2020, les classements de pratiquement toutes les plages habituellement polluées en Iroise avaient pu s’améliorer régulièrement, alors qu’aucune mesure nouvelle n’avait été mise en œuvre, et que les fermetures préventives se multipliaient. Car il y a là une contradiction : plus la qualité de l’eau est bonne, plus il y a de fermetures pour des raisons sanitaires….

 Et il ne leur a pas fallu très longtemps pour soupçonner le truc et identifier le magicien : l’ARS Bretagne. En revanche, c’est bien connu, les magiciens n’aiment pas dévoiler leurs trucs, et il a été beaucoup plus difficile de prouver la manipulation… On peut le comprendre : l’ARS étant à la fois chargée du contrôle de l’action des collectivités en matière sanitaire, et l’interlocuteur de la Commission européenne chargée de surveiller la mise en œuvre de la directive, ça pourrait faire mauvais effet d’apprendre que le correcteur triche sur les notes des mauvais élèves pour les améliorer…

Ainsi, il a fallu l’intervention de la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) pour que l’ARS accepte enfin de communiquer les résultats des analyses qu’elle avait réalisées, et d’indiquer celles qui avaient été écartées du classement, et pourquoi.

Dans le prochain épisode, nous verrons que l’ARS a plus d’un tour dans son sac pour tenter de “diluer” les mauvais résultats…

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