Comment améliorer sans trop d’effort la qualité des eaux de baignade ? – épisode 8

Petit guide humoristique à l’usage des maires de communes littorales

Introduction

Vous êtes maire dans une région d’élevage, et vous avez sur votre commune des plages situées à l’embouchure de rivières ou ruisseaux ? Dans ce cas, il est très probable que plusieurs fois par été vous deviez interdire la baignade pour prévenir la contamination des baigneurs par des bactéries fécales rejetées par ces cours d‘eau, pollués en amont ou par les eaux pluviales, sales, qui les alimentent. 

Ce guide est fait pour vous

Résumé des épisodes précédents : 

Une baignade est caractérisée par l’usage : s’il y a régulièrement des baigneurs et que la baignade n’est pas interdite, la zone est en principe soumise d’office à la réglementation sur les eaux de baignade. C’est ennuyeux si cette zone est polluée… 

Il existe néanmoins tout un attirail de mesures destinées à faire disparaître le  problème : ne pas déclarer la baignade à l’ARS, déplacer le point de contrôle à l’écart de la zone polluée qui est aussi la zone de baignade, ne pas rendre publics les rapports d’analyses, faire en sorte qu’ils demeurent inaccessibles aux personnes qui en demandent communication, éviter les études trop poussées, bien choisir le prestataire, mettre en avant des mesures secondaires et des pollutions mineures. Il est également possible de culpabiliser les baigneurs ou de faire endosser la responsabilité aux oiseaux de mer. 

Ultimes outils à votre disposition : communiquer largement sur l’excellente qualité de vos eaux de baignade, faire en sorte que la fermeture de la zone ne soit pas trop ébruitée, ne surtout pas communiquer sur le bilan des fermetures, et enfin ne rien laisser au hasard…

Et pour finir :

Conseil n° 12 : Une bonne fermeture peut éviter un déclassement…

Certains spécialistes ont compris tout l’intérêt qu’il y avait à exploiter les failles de la directive. Celle-ci prévoit en effet que « Si des eaux de baignade sont de qualité «insuffisante» pendant cinq années consécutives, une interdiction permanente de baignade ou une recommandation déconseillant de façon permanente la baignade est introduite. ». 

La faille est ici dans le mot « consécutives » : on peut à tout moment interrompre cette séquence de cinq ans en fermant la baignade par une fermeture administrative (et donc officiellement non fondée sur des considérations sanitaires), décidée par le maire après quatre années d’analyses défavorables (voir l’exemple de la plage de Tréompan à Ploudalmézeau). 

Pas de mesure, pas de classement, donc pas de classement en « qualité insuffisante ».

N’hésitez pas à fermer pour raison administrative après quatre années mauvaises…

Pas de mesures = pas de classement !

Conseil n° 13 : Attention à la rédaction de l’arrêté de fermeture…

Vous avez compris désormais l’intérêt des fermetures préventives pour améliorer le classement de vos plages, puisque l’ARS s’autorise à éliminer des statistiques les mauvais prélèvements réalisés pendant ces fermetures préventives (mais aussi à garder les bons, le cas échéant…). 

Toutefois, quelques précautions sont à prendre pour que ces fermetures préventives contribuent à l’amélioration des statistiques et donc du classement des baignades.

Un petit rappel

Pour l’ARS, il suffit qu’un mauvais prélèvement aléatoire coïncide avec une fermeture préventive de baignade, pour que l’épisode de pollution en question puisse être qualifié de « pollution à court terme » au sens de la directive européenne. En effet, il y a bien pollution, et l’ARS considère que dans ce cas, les trois conditions de la directive sont satisfaites, à savoir :

  • La cause de la pollution est connue (c’est la pluie, bien sûr) ;
  • La durée de la pollution est inférieure à 72 h (c’est à ce point qu’il faut prêter une attention particulière) ;
  • Enfin, des mesures de gestion appropriées sont effectivement mises en place l’ARS considère que c’est bien le cas si les fermetures préventives sont décidées dans le cadre de la « gestion active » promue par la réglementation française.

Dans ce cas, l’ARS a la possibilité comme on l’a vu plus haut (dans la limite d’un quota imposé par la directive) d’éliminer des statistiques cette analyse qui pourrait avoir un effet néfaste sur le classement de la plage. 

Pensez à rouvrir la baignade 72 h au maximum après la découverte d’une pollution…

On ne reviendra pas ici sur la question des causes de la pollution, ni sur celle de savoir si des mesures de gestion limitées à la fermeture de la baignade constituent bien des « mesures de gestion adéquates » au sens de la directive. L’ARS a déjà statué sur ces points, qui ne lui posent pas de problème.

En revanche, la durée officielle de l’épisode de pollution, qui ne doit pas dépasser 72h pour une « pollution à court terme », dépend de la commune

Ainsi, dans le cas où une analyse de surveillance de l’ARS « tomberait » par hasard dans une période de fermeture préventive, et qu’elle serait mauvaise ((ce qui est assez probable en cas de fortes pluies), il faut considérer que l’épisode de pollution commence au moment du prélèvement de l’ARS, et donc s’assurer que la baignade sera réouverte moins de 72h après. 

Une analyse de contrôle (« re-contrôle », dans le vocabulaire de l’ARS) devrait donc être réalisée avant cette réouverture pour établir que la pollution a bien cessé. Si elle est bonne, l’ARS pourra peut-être réutiliser cette analyse de « re-contrôle » en lieu et place de l’analyse initiale. Bien que la directive européenne ait essayé de limiter ce type de substitution, ce n’est pas impossible malgré tout.

Concrètement, vous pouvez donc faire durer la fermeture le temps qu’il vous plaira, mais en cas d’analyse bactériologique défavorable par l’ARS il faut s’assurer de rouvrir 72 h au maximum après le prélèvement. L’ARS faisant parvenir le lendemain au plus tard ses résultats, cette contrainte est raisonnable.

Pas de problème si la pluie continue, il suffira d’émettre un autre arrêté couvrant la nouvelle fermeture, et ce sera reparti pour 72 nouvelles heures de tranquillité.

Evidemment, la solution idéale serait d’enchaîner les fermetures préventives : on serait ainsi assuré que les analyses aléatoires de l’ARS tomberont toujours dans une période de « gestion active », et donc que les analyses défavorables pourront être limitées… 

Mais des baigneurs pourraient se poser des questions : une plage fermée trop longtemps pourra attirer l’attention et des articles de presse désagréables. Il conviendra donc de ne pas abuser des fermetures trop longues.

Arrêté de fermeture : en cas d’analyse mauvaise, pensez à rouvrir la plage au maximum 72 h après !

En conclusion :

Nous espérons que ce guide vous aura distraits, et qu’il vous permettra d’être un peu plus attentifs à la qualité des eaux de baignade et de choisir les plages les plus sûres de l’Iroise : les belles plages propres toute l’année n’y manquent pas, rassurez-vous.

Nous espérons aussi qu’il pourra aider les maires et les services communaux dans la gestion de leurs plages, qui s’avère parfois techniquement et juridiquement compliquée. 

Nous pensons que les pratiques discutables présentées ici de manière totalement ironique sont liées à un manque d’information des communes. Sans doute aussi aux classements un peu trop rassurants publiés par l’ARS qui n’incitent pas forcément à pousser les recherches des sources de pollution.

Le débat est en tous cas ouvert entre citoyens et élus sur ce sujet important, qui touche la santé et l’environnement : le tourisme littoral est une des activités essentielles pour notre territoire, et la qualité de vie la raison principale pour s’installer en Iroise.

N’hésitez donc pas à intervenir sur « Citoyens d’Iroise », que ce soit  pour corriger nos erreurs éventuelles, poser des questions ou nous signaler des oublis – évitez si possible l’agressivité, mais l’ironie est la bienvenue !

Citoyens d’Iroise

Cette publication vient mettre un terme au cycle entamé avec le feuilleton « Baignades en eaux troubles, une saison en Pays d’Iroise. »

⇨ Les prochaines publications auront probablement trait à la question tout aussi délicate de la gestion et de la préservation de l’eau potable en Pays d’Iroise. 

Mais çà, ce ne sera qu’après la rentrée. D’ici-là profitez bien de vos vacances, en vous baignant dans des eaux saines par exemple.

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *