Comment améliorer sans trop d’effort la qualité des eaux de baignade ? – épisode 7

Petit guide humoristique à l’usage des maires de communes littorales

Introduction

Vous êtes maire dans une région d’élevage, et vous avez sur votre commune des plages situées à l’embouchure de rivières ou ruisseaux ? Dans ce cas, il est très probable que plusieurs fois par été vous deviez interdire la baignade pour prévenir la contamination des baigneurs par des bactéries fécales rejetées par ces cours d‘eau, pollués en amont ou par les eaux pluviales, sales, qui les alimentent. 

Ce guide est fait pour vous

Résumé des épisodes précédents : 

Une baignade est caractérisée par l’usage : s’il y a régulièrement des baigneurs et que la baignade n’est pas interdite, la zone est en principe soumise d’office à la réglementation sur les eaux de baignade. C’est ennuyeux si cette zone est polluée… 

Il existe néanmoins tout un attirail de mesures destinées à faire disparaître le  problème : ne pas déclarer la baignade à l’ARS, déplacer le point de contrôle à l’écart de la zone polluée qui est aussi la zone de baignade, ne pas rendre publics les rapports d’analyses, faire en sorte qu’ils demeurent inaccessibles aux personnes qui en demandent communication, éviter les études trop poussées, bien choisir le prestataire, mettre en avant des mesures secondaires et des pollutions mineures. Il est également possible de culpabiliser les baigneurs ou de faire endosser la responsabilité aux oiseaux de mer. Autre stratégie, communiquer largement sur l’excellente qualité de vos eaux de baignade. Enfin, si vraiment il faut en passer par là, faire en sorte que la fermeture de la zone ne soit pas trop ébruitée…

Conseil n° 10 : Surtout ne communiquez pas sur le bilan des fermetures !

Avec un peu de chance, et si vous avez suivi nos instructions, les baigneurs ne se sont même pas aperçus des fermetures, ou tout au moins ils ne les ont pas toutes remarquées. Il serait dommage qu’à la fin de la saison on puisse s’apercevoir trop facilement que la plage a été fermée trois ou quatre fois, pour un total de 20 ou 30 % du temps. 

Dans ce cas, comment empêcher les mauvais esprits de se gausser d’une plage d’excellente qualité qui serait fermée trop souvent par crainte de contamination aux bactéries fécales ? Ou de se hasarder à comparer cette situation à celle d’un restaurant trois étoiles qui devrait fermer trois ou quatre fois chaque été pour raisons sanitaires ? 

Pour le moment, l’Union européenne n’a pas encore songé à intégrer la durée des fermetures dans les paramètres de classement des baignades ; espérons qu’elle n’y pensera pas.

En attendant, il est important d’éviter que ces fermetures répétées ne se voient trop. Une bonne méthode consiste à éviter de laisser traîner les arrêtés de fermeture et d’ouvertures de baignade sur le site internet de la commune, et de faciliter ainsi les décomptes et les statistiques. C’est déjà ce que fait l’ARS sur le site du ministère de la santé, où les interdictions de baignade disparaissent dès la fin de l’interdiction. 

Le mieux serait évidemment de ne pas les faire figurer sur le site de la commune. Car s’il faut se déplacer dans chaque commune en fin de saison pour feuilleter la liste des arrêtés et reconstituer les dates et durées des fermetures, cela découragera probablement la plupart des curieux.

Ne publiez pas de statistiques concernant les  fermetures de baignades !

Conseil n° 11 : Contribuez à éviter que le hasard ne décide du classement de vos eaux de baignades…

Si vous avez suivi notre feuilleton “baignades en eaux troubles”, vous savez désormais que l’ARS Bretagne a mis au point une technique élaborée pour améliorer le classement des eaux de baignades sans qu’on ait besoin de faire trop d’efforts pour en améliorer la qualité.

La directive européenne 2006/7/CE est en effet assez contraignante en ce qui concerne la surveillance et le classement des baignades. L’Union européenne n’a visiblement pas confiance dans les initiatives locales, puisqu’elle ne laisse guère de marge dans la méthodologie prescrite pour évaluer la qualité des baignades et les classer. Le principe est en effet de réaliser des prélèvements aléatoires pendant la saison, de les analyser, et de soumettre tous les prélèvements réalisés sur quatre années successives à un traitement statistique aveugle

Est-il bien raisonnable de laisser le hasard décider du classement des baignades, et donc du développement économique de la commune ? Non, évidemment.

Car le hasard est ennuyeux : il arrive qu’il pleuve en été, et il y a donc des risques que des prélèvements aléatoires tombent au mauvais moment. Comment faire pour que ces situations, somme toute exceptionnelles,  ne conduisent pas au déclassement de la plage ? Le risque est d’autant plus grand que l’influence même d’une seule pollution sur le classement peut être bien visible.

En pratique, l’astuce utilisée par l’ARS repose sur l’existence d’un arrêté de fermeture préventive : alors, si un prélèvement pendant cette période de fermeture correspond à une analyse mauvaise, l’ARS accepte automatiquement de considérer qu’il s’agit d’une « pollution à court terme » au sens de la directive européenne, et qu’elle peut l’éliminer de l’échantillon utilisé pour le classement de la baignade, ce qui améliore mathématiquement le classement.

Pour que cela marche, il faut donc que le maire signe un arrêté de fermeture préventive. C’est ennuyeux mais nécessaire, et il ne faut donc pas hésiter, en cas de doute, à interdire la baignade. 

Si vous avez suivi, vous aurez compris que tout celà peut rester discret, et n’aura que très peu d’impact au final sur l’activité des baigneurs. C’est ainsi que l’on peut rendre difficile le décompte du nombre de jours de fermeture…

N’hésitez pas à fermer préventivement la baignade, cela peut permettre à l’ARS d’améliorer le classement de vos plages !

Baignez-vous, tout va bien…

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