Comment améliorer sans trop d’effort la qualité des eaux de baignade ? – épisode 6

Petit guide humoristique à l’usage des maires de communes littorales

Introduction

Vous êtes maire dans une région d’élevage, et vous avez sur votre commune des plages situées à l’embouchure de rivières ou ruisseaux ? Dans ce cas, il est très probable que plusieurs fois par été vous deviez interdire la baignade pour prévenir la contamination des baigneurs par des bactéries fécales rejetées par ces cours d‘eau, pollués en amont ou par les eaux pluviales, sales, qui les alimentent. 

Ce guide est fait pour vous

Résumé des épisodes précédents : 

Une baignade est caractérisée par l’usage : s’il y a régulièrement des baigneurs et que la baignade n’est pas interdite, la zone est en principe soumise d’office à la réglementation sur les eaux de baignade. C’est ennuyeux si cette zone est polluée… 

Il existe néanmoins tout un attirail de mesures destinées à faire disparaître le  problème : ne pas déclarer la baignade à l’ARS, déplacer le point de contrôle à l’écart de la zone polluée qui est aussi la zone de baignade, ne pas rendre publics les rapports d’analyses, faire en sorte qu’ils demeurent inaccessibles aux personnes qui en demandent communication, éviter les études trop poussées, bien choisir le prestataire, mettre en avant des mesures secondaires et des pollutions mineures. Il est également possible de culpabiliser les baigneurs. Mais le must sera quand même de faire endosser la responsabilité aux oiseaux de mer.

Conseil n° 8 : Communiquez largement sur la qualité de vos eaux de baignade

L’information précise est ennuyeuse, car elle excite la curiosité et provoque des questions. Néanmoins, vous devez communiquer. Saturer la communication par des informations bien contrôlées est ainsi un excellent moyen d’éviter que le bon peuple se pose des questions. Pour cela, la presse quotidienne régionale peut être une fois de plus un bon soutien, ses correspondants étant souvent avides d’informations exclusives fournies par les autorités locales, et donc auréolées d’une légitimité apparemment indiscutable. 

La communication devra se concentrer sur le bon classement de la plage, sur les efforts coûteux, donc importants, et donc efficaces, consentis par la commune ou la communauté de communes pour améliorer encore une situation déjà globalement excellente. 

Surtout, ne pas s’aventurer à communiquer sur les causes (la pluie, mais pas au-delà), et incriminer la fatalité. L’idéal sera de dénicher un événement local et isolé, si possible mineur, et des comportements irresponsables (promenades de chiens sur les plages, vidange d’eaux grises de camping-car…), qu’il ne faudra surtout pas manquer de mettre en avant. 

Des  incivilités peuvent aider à cacher une mauvaise gestion, il serait dommage de s’en priver. « Nous avons fait beaucoup d’efforts » est une approche éprouvée pour faire cesser les critiques non constructives sur l’absence de résultats…

Si vous même, en tant que maire, ne souhaitez pas vous mettre en avant (et éveiller des curiosités malsaines), vous pouvez également déléguer la communication au niveau supérieur ; le président de la communauté de communes sera généralement très heureux de communiquer sur la bonne qualité des eaux de baignades, même si, et peut-être justement pour cette raison, il n’a dans ce domaine aucune compétence ni aucune responsabilité. Après tout, il s’agit de communication, qui n’engage par définition que celui qui la reçoit, comme les promesses n’engagent que ceux qui y croient….

Le préfet est généralement désireux lui aussi d’afficher la bonne qualité des eaux de baignade de son département. Si tout le monde est content et que les problèmes ne se voient pas, il n’y a pas de raison de compliquer les relations avec les collectivités, et encore moins avec la Profession Agricole qui codirige certains départements. D’ailleurs, les chiffres viennent de l’ARS, donc de l’Etat ; aucune raison d’en douter par conséquent.

Figure 8 – Une bonne communication – ARS Bretagne

Communiquez : « Ayez confiance ! Tout va bien »

Conseil n° 9 : Il faut fermer la plage… Que faire ensuite ? Rien !

La pluie est annoncée. Chacun sait désormais que la pluie est le principal facteur de pollution des eaux de baignade par des bactéries fécales d’animaux à sang chaud, même si on ne sait pas trop bien pourquoi. Mais c’est bien connu, et confirmé par les services de l’Etat, donc pourquoi en douter ?

Le maire a le devoir de fermer sa plage, conformément au « plan de gestion active » approuvé par l’ARS. C’est le prix à payer pour être couvert juridiquement si un baigneur venait à boire la tasse ou à se plaindre d’une vilaine maladie en « ite » (conjonctivite, otite, gastro-entérite…) contractée au cours de sa baignade. 

En votre qualité de maire, vous décidez donc de fermer préventivement la plage pour éviter les contaminations probables, et publiez un arrêté de fermeture.

Comme il se doit, cet arrêté (rédigé en langage administratif, si possible peu clair) doit être affiché, car c’est la loi, hélas. 

Évitez donc les mentions qui pourraient fâcher concernant les causes (« ruissellement sur le bassin versant » – autrement dit, pluie – convient parfaitement à la plupart des situations). Et noyez votre arrêté au milieu des multiples autres documents qui encombrent le panneau situé à l’entrée de la plage. Plus c’est garni, plus c’est indigeste.

N’hésitez pas non plus à omettre le symbole rouge de baignade interdite, pourtant prescrit par les instructions, mais qui risquerait de conduire quelques baigneurs curieux à lire un papier administratif auquel ils n’auraient dû prêter aucun intérêt au moment de se précipiter vers la plage. On peut également l’afficher en tout petit format.

Ne mettez pas de barrières ou de rubalises interdisant l’accès à la plage, et n’arborez surtout pas le pavillon violet (prévu réglementairement pour annoncer les pollutions),  car celui-ci est réservé aux fermetures pour raisons sanitaires. Et puis cette couleur n’est pas du tout compatible avec le bleu caraïbe des plages de l’Iroise..

Tant qu’il n’y a pas pollution, on peut prétendre qu’il s’agit d’une fermeture administrative. D’ailleurs, elle est motivée par les précipitations annoncées, pas par la contamination probable.

Enfin, donnez des instructions aux surveillants de baignade et autres moniteurs d’activités nautiques pour qu’ils n’effraient pas les baigneurs. Au besoin, rappelez-leur que c’est vous qui les rémunérez ou les autorisez à s’installer sur la plage pour l’été. Rassurez-vous : dès qu’il y a assez de baigneurs sur une plage, plus personne ne se pose de questions.

On ne peut donc pas éviter d’afficher l’arrêté de fermeture (c’est la loi), mais ce n’est pas une raison pour le rendre trop visible et empêcher les baigneurs de se baigner malgré l’interdiction. Après tout, ne le font-ils pas sous leur propre responsabilité ?

Affichez discrètement. Surtout n’en faites pas trop !

Figure 9 -Une interdiction de baignade est cachée dans ce panneau : trouvez – la !

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