Comment améliorer sans trop d’effort la qualité des eaux de baignade ? – épisode 5

Petit guide humoristique à l’usage des maires de communes littorales

Introduction

Vous êtes maire dans une région d’élevage, et vous avez sur votre commune des plages situées à l’embouchure de rivières ou ruisseaux ? Dans ce cas, il est très probable que plusieurs fois par été vous deviez interdire la baignade pour prévenir la contamination des baigneurs par des bactéries fécales rejetées par ces cours d‘eau, pollués en amont ou par les eaux pluviales, sales, qui les alimentent. 

Ce guide est fait pour vous

Résumé des épisodes précédents : 

Une baignade est caractérisée par l’usage : s’il y a régulièrement des baigneurs et que la baignade n’est pas interdite, la zone est en principe soumise d’office à la réglementation sur les eaux de baignade. C’est ennuyeux si cette zone est polluée… 

Il existe néanmoins tout un attirail de mesures destinées à faire disparaître le  problème : ne pas déclarer la baignade à l’ARS, déplacer le point de contrôle à l’écart de la zone polluée qui est aussi la zone de baignade, ne pas rendre publics les rapports d’analyses, faire en sorte qu’ils demeurent inaccessibles aux personnes qui en demandent communication, éviter les études trop poussées, bien choisir le prestataire, mettre en avant des mesures secondaires et des pollutions mineures.

Conseil n° 6 : Culpabilisez les baigneurs

Une technique éprouvée pour éviter de mettre en cause les systèmes, consiste à culpabiliser les individus dans leurs comportements. Ils finiront par se convaincre tout seuls qu’on ne pourra rien faire tant qu’eux-mêmes n’auront pas changé leurs propres pratiques.

Qu’il s’agisse de déchets (« avez-vous ramassé votre mégot ? »), de pesticides (« quoi, du Roundup ® dans votre jardin ?), de gaz à effet de serre (« quoi, 2 km en voiture pour aller chercher votre baguette » ?), le citoyen est régulièrement sermonné. Et, au nom de la culpabilité qu’on a su éveiller, il s’interdit de critiquer les pollutions systémiques du type plastiques, pesticides agricoles, extractions minières et transports polluants, qui sont pourtant autrement plus impactantes. 

Pour les plages, c’est facile : mégots, chiens, papiers de bonbon, lotion de bronzage, les causes de pollution liées à nos comportements sont tellement nombreuses que c’est certainement là qu’il faut chercher la solution des problèmes de pollution.  Autant de messages affichés sur les plages, s’accompagnant désormais des inévitables « bacs à marée », où les baigneurs sont invités à déposer les déchets des autres, compensant par la satisfaction d’un acte positif la culpabilité qu’on a réussi à créer chez eux : c’est magique …

Et c’est encore mieux si c’est l’Etat lui-même qui tape du poing sur la table. 

Ainsi, l’article 95-2 de l’arrêté préfectoral du 12 août 1980 interdisait carrément les chiens (et les chevaux), douze mois sur douze, sur l’ensemble des plages du Finistère. Mais le préfet, magnanime, a désormais limité cette interdiction à la période de juin à septembre.

Figure 6 – Interdit aux chiens (credit : Ouest-France)

Multipliez les interdictions pour les usagers, on croira que vous essayez vraiment de traiter le problème !

Conseil n° 7 : Accusez les oiseaux !

Malgré les efforts pour parler d’autre chose, on ne peut pas toujours empêcher des petits curieux de se poser des questions sur l’origine des pollutions. 

Certes, à force de répéter que c’est normal que la mer soit polluée après chaque pluie, la plupart des gens ont  admis cette fatalité : en Iroise, il pleut de la merde, c’est comme cela (d’ailleurs, cela se sent). 

⇨ Mais il reste des mauvais coucheurs, les mêmes qui se plaignent déjà du maïs omniprésent, de la noria des tonnes à lisier et des odeurs qui contribuent à affirmer la vocation agricole de notre territoire. Qui se mêlent de mettre en cause l’élevage industriel et les épandages, considérés par eux comme une très bonne explication à toutes ces pollutions.

C’est ennuyeux. Heureusement, il existe une solution pour leur faire tourner de nouveau le regard vers la mer, et pour éviter de répondre à ces insinuations blessantes : les oiseaux de mer !

C’est facile : lorsqu’il y a pollution, cherchez dans l’eau les marqueurs de déjections de ces oiseaux de mer ; vous êtes sûrs d’en trouver, puisque que ces marqueurs sont déjà là même quand il n’y a pas de pollution… Cela ne prouve rien évidemment, mais ça a les apparences de la science, l’odeur de la science, et avec un peu de chance ça va occuper l’attention le temps que la saison de baignade soit terminée, et les touristes rentrés chez eux. 

Vous pouvez compter sur la presse locale pour faire écho à cette hypothèse, et distraire l’attention de la majorité du public. Inutile de lui rappeler qu’il y a des oiseaux de mer partout, y compris sur les plages non polluées, et que leur nombre modeste sur chaque plage (quelques dizaines) ne peut expliquer l’importance des pollutions. Celles-ci s’expliquent un peu trop bien en revanche par l’épandage des « effluents » de milliers de porcs et bovins détenus dans certains gros élevages de la région. 

Il y a peu de risques que les oiseaux, eux, se défendent...

Figure 7 – Le Télégramme,10/08/2022 : la communication, c’est un métier

Semez le doute, et n’oubliez pas que plus c’est gros, plus ça a de chances de passer !

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