Comment améliorer sans trop d’effort la qualité des eaux de baignade ? – épisode 3

Petit guide humoristique à l’usage des maires de communes littorales

Introduction

Vous êtes maire dans une région d’élevage, et vous avez sur votre commune des plages situées à l’embouchure de rivières ou ruisseaux ? Dans ce cas, il est très probable que plusieurs fois par été vous deviez interdire la baignade pour prévenir la contamination des baigneurs par des bactéries fécales rejetées par ces cours d‘eau, pollués en amont ou par les eaux pluviales, sales, qui les alimentent. 

Ce guide est fait pour vous

Résumé des 2 premiers épisodes : 

Une baignade est caractérisée par l’usage : s’il y a régulièrement des baigneurs et que la baignade n’est pas interdite, la zone est en principe soumise d’office à la réglementation sur les eaux de baignade. C’est ennuyeux si cette zone est polluée… Dans ce cas,  il suffit de faire comme pour la Plage du Crapaud à Lanildut : ne pas déclarer la baignade à l’ARS, et le tour est joué ! Ou bien, si la manœuvre risque d’être par trop voyante, il existe un autre moyen : déplacer le point de contrôle à l’écart de la zone polluée qui est aussi la zone de baignade.

Conseil n° 3 : cachez les rapports et les mesures de la qualité de l’eau !

La commune responsable des baignades est soumise à diverses obligations ennuyeuses liées à la réglementation communautaire ou nationale. 

En particulier, elle doit élaborer pour chaque baignade un profil de baignade, analyse complète de la situation de la baignade au regard des pollutions potentielles, recommandations de mesures de gestion, etc.

Lorsque ces profils de baignade sont rédigés par des bureaux d’étude compétents et honnêtes, il est tout à fait probable que leurs techniciens, peu au fait des enjeux politiques locaux, feront apparaître des choses qu’on ne souhaiterait pas faire connaître au grand public (localisation des assainissements non conformes, origine agricole des pollutions récurrentes…). 

La terminologie très technique de ces rapports n’arrêtant pas toujours les mauvais esprits, le mieux est qu’ils restent au chaud dans les tiroirs de la mairie…. Si un mauvais coucheur y tient, on peut toujours traîner des pieds, lui faire payer les photocopies, ou profiter de son inexpérience pour lui présenter, à la place du “profil de baignade » réclamé,  le résumé en une page qui figure pour chaque plage sur le site du ministère de la santé.

Un choix judicieux du bureau d’études chargé d’établir les profils de baignade peut être un bon moyen d’éviter des questions ennuyeuses. On peut réduire les frais et confier ce choix à une communauté de communes. Certaines savent choisir des bureaux d’études au regard sélectif, et qui voient par exemple assez mal les épandages agricoles. On aura ainsi l’avantage d’une approche coordonnée et cohérente.

La qualité des eaux de baignade est surveillée réglementairement par l’Agence Régionale de Santé (ARS), qui réalise des prélèvements d’eau aléatoires pendant toute la saison sur toutes les plages. C’est de cette surveillance qu’est issu le classement annuel des plages qu’il n’est, en principe, pas facile d’influencer… mais pas impossible non plus, comme on a pu le voir précédemment.

Au-delà de cette surveillance réglementaire, la gestion d’une plage impliquerait normalement une surveillance opérationnelle, ou « autosurveillance », assurée par la commune ou par un prestataire auquel elle en aura transféré la charge. Régulièrement (parfois tous les jours), des prélèvements sont analysés et, suivant leur résultat, la baignade pourra être interdite (pollution constatée) ou rouverte (quand une pollution a disparu). 

Surtout, ne pas mettre ces informations d’autosurveillance à la disposition du public, au risque de donner lieu à de mauvaises interprétations ! 

La directive européenne fait une longue liste des informations qu’il faudrait en principe communiquer au public. L’extrait suivant montre à quel point ces exigences sont déraisonnables :

1. Les États membres veillent à ce que les informations suivantes soient activement diffusées et rapidement disponibles, durant la saison balnéaire, à un endroit facilement accessible et situé à proximité immédiate de chaque site de baignade :

a) le classement actuel des eaux de baignade ainsi que tout avis interdisant ou déconseillant la baignade visé au présent article, au moyen d’un signe ou d’un symbole simple et clair ;

b) une description générale des eaux de baignade, en termes non techniques, fondée sur le profil des eaux de baignade établi conformément à l’annexe III;

c) dans le cas d’eaux de baignade exposées à des pollutions à court terme :

— l’indication que ces eaux de baignade présentent des pollutions à court terme,

— une indication du nombre de jours pendant lesquels la baignade a été interdite ou déconseillée au cours de la saison balnéaire précédente à cause d’une telle pollution, et

— un avertissement chaque fois qu’une telle pollution est prévue ou se produit ;

d) des informations sur la nature et la durée prévue des situations anormales au cours de tels événements ;

e) si la baignade est interdite ou déconseillée, un avis en informant le public et en expliquant les raisons ;

f) si une interdiction permanente de se baigner ou un avis permanent déconseillant la baignade sont établis, le fait que la zone concernée n’est plus une eau de baignade et les raisons de son déclassement

Avec un peu de chance, ledit public ne s’apercevra pas qu’aux termes de la directive 2006/7/CE sur les eaux de baignade, ou de la directive 2003/4/CE relative à l’information environnementale, ou tout simplement de la loi française (communication des données publiques, code des relations entre le public et l’administration, articles L 300 et suivants…), toute personne publique disposant d’informations environnementales a l’obligation de les communiquer à toute personne qui en fait la demande. 

En cas de demande, faire le mort ; ce serait bien le diable si un citoyen teigneux décidait de recourir à la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) pour obtenir ses informations… Et c’est d’autant plus facile de ne pas les diffuser que le réclamant potentiel ne sait généralement pas quoi demander.

Quelques communes du Pays d’Iroise en Bretagne montrent la voie dans ce domaine. 

Jouons un peu : cherchez les informations relatives aux eaux de baignade sur le site internet de votre commune. S’il y en a, supprimez-les !

Figure 4 – Un bon exemple (recherche du mot « baignade » sur le site de la commune le 12/08/2022)

Ne diffusez pas les données. Pas d’information, pas de contestation !

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