Baignades en eaux troubles, une saison en Pays d’Iroise – Episode 4

Résumé des épisodes précédents : certaines plages d’Iroise sont fermées préventivement avant chaque épisode de pluies importantes, dans la plus grande discrétion, et en raison d’importantes pollutions bactériennes. Tandis que nos élus majoritaires restent flous sur les causes de ces pollutions et font semblant de chercher, celles-ci sont désormais installées, réelles, massives et récurrentes. Aidons-les à en identifier les origines…

Épisode 4 : Et si la pollution provenait en fait des élevages ?

A l’évidence, les explications douteuses des pouvoirs publics n’expliquent rien : les pollutions sont bien là, et il semblerait qu’on ne sache toujours pas d’où elles viennent.

La solution logique serait évidemment d’aller à la recherche des pollutions et des pollueurs : repérer les fuites des réseaux d’assainissement, les installations défectueuses, et surtout – puisque c’est visiblement de là que viennent les pollutions – remonter dans les bassins versants pour rechercher les sources de bactéries qui s’y trouveraient…

Et pourtant, cela ne semble pas être la solution retenue…

Le SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux du Bas-Léon) a pour rôle de gérer la qualité de l’eau en Iroise ; il estime visiblement que celle-ci est suffisante, et ne mène aucune action visible allant dans le sens d’une amélioration. Pas plus que la CCPI, ni les maires, dont c’est pourtant la compétence.

Tout le monde préfère semble-t-il regarder ailleurs ou utiliser, sans la moindre justification scientifique, des techniques mal maîtrisées. Comme par exemple celle des marqueurs bactériens, et braquer ainsi le projecteur sur des pollutions locales mineures comme quelques fientes d’oiseaux de mer, et éviter de rechercher les pollutions massives lointaines que ces moyens ne permettent pas de détecter. 

Des techniques qui s’avèrent sensibles surtout aux sources proches et aux pollutions récentes. Bizarre, non ?

Pas si bizarre que cela, en fait. Car tous les maires d’Iroise sont bien conscients que cette approche logique ne peut conduire qu’à de gros ennuis : dès lors qu’on remontera les cours d’eau d’Iroise, on arrivera inévitablement sur des zones d’épandage, qui sont de toute évidence la vraie explication de ces pollutions massives et répétées.

  Rappelons en effet que sur le territoire de la CCPI, et donc sur les bassins versants de toutes ces plages polluées, on épand les déjections de centaines de milliers d’animaux, porcs et bovins, qui sont quasiment dix fois plus nombreux sur ce territoire que les habitants humains. Et si on a bien lu les études scientifiques (notamment celles d’IFREMER), on sait qu’en termes de flux bactériens – c’est-à-dire les quantités de bactéries produites chaque jour – un bovin vaut 5 humains, et un porc 30 humains !

 Ce sont donc finalement les « eaux usées » provenant de l’équivalent de plusieurs millions d’humains qui sont ainsi rejetées sans aucun traitement sur les champs de la CCPI, et lessivées à chaque pluie. Rien à voir donc avec les quelques centaines d’humains dont les eaux usées ne seraient pas traitées correctement, ou les quelques dizaines d’oiseaux de mer qu’on pourrait trouver aux environs de chaque plage.

  De toute évidence, voilà une explication extrêmement vraisemblable à ces pollutions répétées : stockés parfois plusieurs semaines dans les fosses à lisier qui constellent le territoire, les effluents de ces animaux sont épandus sur les champs afin de les fertiliser, mais aussi de se débarrasser de déchets encombrants… Et lorsque survient la pluie, elle lessive les bassins versants, et les bactéries se retrouvent dans les ruisseaux qui se déversent sur les plages.  

Tout s’expliquerait donc ? Sauf qu’en Iroise ça ne peut pas être la bonne explication ! 

En Iroise, on ne voit pas les épandages ni les tonnes à lisier, on ne  sent pas les effluves, on ignore l’existence d’algues vertes, et on estime surtout que l’élevage intensif ne saurait être mis en cause. Surtout quand le lobby qui le dirige a placé ses pions à tous les niveaux de l’exécutif, à la fois de la CCPI et du SAGE (ce sont d’ailleurs les mêmes personnes dans les deux structures ). 

Pour les maires, mieux vaut donc ne pas chercher trop loin. Ils n’auraient rien à y gagner, et pourraient même y perdre en termes d’accès aux financements communautaires…

  Il faut garder à l’esprit que, dans cette logique, il ne peut pas être question de supprimer les épandages, car c’est tout le système qui s’en trouverait fragilisé. Le secteur agro-industriel ne peut apparemment pas envisager de traiter correctement ses effluents comme le font les humains, son modèle économique ne s’en remettrait pas.

S’agit-il de déchets ? Oui. Car si on peut toujours expliquer que les nitrates sont des nutriments indispensables aux cultures, même si l’environnement, et depuis peu l’ANSES, sont à l’évidence d’un avis contraire, les bactéries sont évidemment des pollutions. 

Sinon, pourquoi contraindrait-on les humains à traiter leurs propres effluents dans de coûteuses stations d’épuration ? Pourquoi alors ne pas les épandre aussi sur les champs, au même titre que les « effluents » d’élevage ? Après tout, ce sont aussi des engrais…

  Concrètement, personne parmi les décideurs (collectivités ou État) n’ose envisager de supprimer cette pollution ; mais à défaut de la faire disparaître des eaux de baignade, pourquoi ne pas la faire disparaître des statistiques ?… Et c’est justement ce qui se produit en Bretagne, grâce à un très joli tour de magie. 

Et tant pis pour le prestidigitateur (spoiler : c’est l’ARS…), nous allons vous révéler ses tours en exclusivité. Pour cela, il va lui falloir contourner une législation européenne bien faite, mais qui n’a pas envisagé que l’État viendrait au secours des pollueurs pour les aider à camoufler leurs forfaits…

C’est ce qu’on verra dans le prochain épisode…

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